Dans une Somalie secouée par l’intolérance religieuse et les violences liées à l’extrémisme, l’histoire d’une mère de famille de 31 ans devoile les lourdes conséquences de la conversion au christianisme. Originaire du village de Jamaame, à Kismayo, cette mère de trois enfants, âgés de 5, 7 et 9 ans, a tout perdu après avoir fait le choix de suivre le Christ : son foyer, son mari, et la protection de sa famille.
C’est à la veille de Noël qu’un travailleur chrétien lui présente, ainsi qu’à ses enfants, le film Jésus. Touchée au plus profond d’elle-même, elle décide un mois plus tard, le 20 janvier dernier, de remettre sa vie entre les mains de « Issa », le nom arabe de Jésus. Ce choix, intime et spirituel, bouleverse rapidement le cours de sa vie.
Animée par le désir de partager ce qui a transformé son cœur, elle montre le film à sa mère, puis à l’ensemble de sa famille, le 4 mars, en plein mois du Ramadan. Lors d’une scène montrant les souffrances de Jésus sur la croix, elle fond en larmes : « Oh, un Fils de Dieu innocent souffrant pour les péchés de l’humanité », murmure-t-elle.
Des mots qui provoquent un choc. Pour son père, fervent musulman, la révélation est inacceptable. Il l’accuse de blasphème, rejette violemment sa confession de foi et l’expulse avec ses enfants.
Dans la foulée, il alerte son mari, alors en déplacement dans la région du Bas-Juba. Sans hésiter, ce dernier prend le parti de son beau-père : « Tu ne peux plus revenir chez moi. »
En juin, la sentence tombe : leur mariage est officiellement dissous selon la loi islamique. « Il m’a répudiée par téléphone, par une simple phrase », raconte-t-elle, la voix nouée. Depuis, cette femme, dont l’identité est volontairement gardée secrète pour des raisons de sécurité, vit dans la peur constante.
Des proches, ulcérés par sa conversion, l’ont menacée de mort, en affirmant qu’elle mérite d’être tuée pour avoir quitté l’islam. Craignant pour sa vie et celle de ses enfants, elle a fui le 13 juin vers une région proche de la frontière kenyane.
Depuis, elle erre de village en village, à la recherche de petits boulots pour survivre. Elle ne dispose d’aucun logement stable, et ses enfants sont privés d’école.
Malgré l’adversité, elle demeure ferme dans sa foi. « Je ne regrette rien. Issa pourvoit à nos besoins. Il m’a donnée une paix intérieure que rien ne peut briser », confie-t-elle avec une étonnante sérénité.
Aujourd’hui, elle espère pouvoir franchir la frontière kényane, où elle pense trouver refuge et soutien auprès d’autres chrétiens.
Son appel est clair, chargé de détresse mais aussi d’espoir : « Je prie pour que le Seigneur touche aussi le cœur de ma famille. En attendant, j’ai besoin de prières et d’aide. Si Dieu me conduit jusqu’au Kenya, je sais qu’Il ouvrira les cœurs pour moi et mes enfants. »
Dans un pays où la charia est inscrite dans la Constitution, où la conversion au christianisme est assimilée à un crime passible de mort, sa situation est loin d’être isolée. La Somalie est classée deuxième pays le plus dangereux au monde pour les chrétiens, selon l’Index Mondial de Persécution 2025 de l’organisation Open Doors.
À cette menace s’ajoute celle d’Al-Shabaab, groupe islamiste affilié à Al-Qaïda, qui multiplie depuis plus d’une décennie les exécutions et attaques contre les chrétiens et les non-musulmans, aussi bien en Somalie qu’au nord du Kenya.
Saint Bénifils